Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
Le droit international des droits de l'homme
Conception - Elaboration - Aboutissement
Par Isse Omanga BOKATOLA
Cest la Charte de lONU qui donne à lAssemblée générale et au Conseil économique et social des responsabilités en matière de droits de lhomme. Une des principales fonctions du Conseil économique et social est de préparer, sur des questions de sa compétence, des projets de convention pour les soumettre à lAssemblée générale, projets préparés par les Commissions techniques du Conseil, notamment la Commission des droits de lhomme: la Commission est ainsi un organe subsidiaire du Conseil, et ce dernier relève de lAssemblée générale, à laquelle il fait rapport chaque année. En général, lorsquil reçoit les projets de textes de la Commission des droits de lhomme, le Conseil économique et social les fait siens et les recommande à lAssemblée générale pour adoption.
Signification des déclarations
En matière de droits de lhomme, lAssemblée générale adopte par une résolution, dans la deuxième étape du processus délaboration des textes des Nations Unies, une recommandation appelée parfois déclaration, généralement dapplication étendue voire universelle.Les termes déclaration et recommandation ont des sens précis dans le langage onusien. Selon la pratique de lONU, une déclaration est un instrument formel et solennel, qui se justifie en de rares occasions, lorsque par exemple lOrganisation affirme des principes ayant une grande importance et une valeur durable, et attend des Etats membres quils respectent au maximum les principes énoncés, comme dans le cas de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Une recommandation, par contre, est moins formelle. En dehors de cette distinction, il ny a aucune différence entre une déclaration et une recommandation. Ainsi donc, la déclaration ou la recommandation, qui est universellement applicable, énonce dans la plupart des cas des principes généraux ou des normes générales concernant les droits de lhomme.
Raison dêtre des déclarations
Dans la pratique des Nations Unies, ladoption des déclarations ou des recommandations deuxième étape précède toujours celle des conventions troisième étape. Cela se justifie par dimportantes raisons. En effet, lexpérience montre que si de nombreux Etats sont prêts à approuver une proclamation de principes, ils sont beaucoup plus hésitants lorsquil est question de se lier par une convention internationale. En conséquence, dès lors quil est établi que, dans un domaine particulier, de profondes divergences empêcheront les Etats de ratifier une convention universelle, il est souhaitable dobtenir au moins deux la reconnaissance dun certain nombre de principes communs. Ainsi, vu les difficultés que rencontre lélaboration des conventions internationales, il apparaît normal de prévoir une autre procédure sous la forme dune déclaration de principes.
Mais il y a une autre raison à ladoption des déclarations avant celle des conventions. Dans le cas où les Nations Unies ont élaboré une convention mais que celle-ci nest pas ratifiée ou est ratifiée seulement par un nombre restreint d'Etats, les principes contenus dans la convention nauront aucune portée. En revanche, sil existe une déclaration solennelle de lAssemblée générale, celle-ci restera, en la matière, le texte fondamental de référence pour les organisations internationales et les Etats. Il y a là, en quelque sorte, comme une tentative de création du droit international par imprégnation, par intoxication. Et lorsque la déclaration a été adoptée à une forte majorité et repose sur un large consensus de la communauté internationale, elle peut constituer un moyen de pression dun ensemble dEtats sur dautres et donner naissance à une coutume internationale à condition quelle reçoive une application générale dénuée dambiguïté.
Vie des déclarationsÉlaboration des déclarations
Cest le plus souvent à sa Troisième Commission, qui soccupe des questions sociales, humanitaires et culturelles, que lAssemblée générale soumet la plupart des problèmes relatifs aux droits de lhomme, y compris les projets de textes qui lui sont transmis par le Conseil économique et social. Il est utile dindiquer que dans la plupart des cas, la Sixième Commission de lAssemblée générale, la Commission juridique, est associée à létude des projets de textes.
Cependant, pour des raisons diverses, il arrive que lAssemblée générale examine directement certains projets sans étude préalable par une grande Commission (lAssemblée générale compte sept Commissions). Dans ce cas, lAssemblée générale peut décider de créer un groupe de travail à composition non limitée, ouvert à tous les Etats membres, chargé de mener à bien lélaboration du texte. Elle peut autrement décider de constituer un Comité spécial pour létude du texte, Comité composé d'États membres choisis sur la base dune répartition géographique équitable, et représentant les principaux systèmes juridiques du monde. Dans tous les cas, lAssemblée générale dordinaire invite les Etats membres, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales intéressées à participer aux travaux et à coopérer en vue de lélaboration du texte.
Après lexamen du texte préparé par ses grandes Commissions, par son Groupe de travail ou par son Comité spécial (parfois aussi par une Conférence ou un Congrès mondial convoquée par lONU), lAssemblée générale dans une résolution adopte et proclame solennellement la déclaration. LAssemblée générale habituellement invite dans la même résolution toutes les personnes à titre individuel ainsi que les gouvernements, les organes de lONU, les institutions spécialisées, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales à reconnaître les droits énoncés dans la déclaration et à sefforcer den assurer le respect au moyen de mesures législatives et autres. Elle les prie également de donner la plus large publicité possible au texte en utilisant les moyens dinformation à leur disposition, et demande au Secrétaire général de lONU dassurer lui aussi une large diffusion de la déclaration.
Valeur juridique des déclarations
Comme toutes les recommandations des Nations Unies, les déclarations relatives aux droits de lhomme sont des textes dépourvus de portée juridique obligatoire: leurs destinataires ne sont pas obligés de sy soumettre et ne commettent aucune infraction en ne les respectant pas. Le simple artifice qui consiste à appeler un texte déclaration plutôt que recommandation, ne peut rendre ce texte obligatoire pour ses destinataires. Ainsi, dun point de vue strictement juridique, les déclarations et recommandations méritent bien lappellation de droit vert car elles ont nécessairement besoin de mûrir pour devenir obligatoires pour les Etats et exigibles par les particuliers.
Cependant, étant donné la solennité et la signification plus grandes des déclarations, on peut considérer quen les adoptant, les Nations Unies manifestent par là leur vive espérance que les membres de la communauté internationale respecteront les principes qui y sont proclamés. Par conséquent, droit vert non obligatoire sur le plan juridique, les déclarations et recommandations peuvent être moralement et politiquement très contraignantes: ce sont dindéniables moyens de pression morale et politique. Ainsi, lhostilité dun Etat à une déclaration ou recommandation qui a obtenu le soutien dun groupe plus ou moins vaste d'Etats, loblige à être sur la défensive et à motiver sa position.
Ces considérations morales et politiques sont encore plus pressantes lorsquon connaît les moyens de pression psychologique dont sont revêtues les déclarations: solennité de la proclamation, formulation imitant celle des conventions, etc. Tout ceci peut être davantage renforcé quand les déclarations ou recommandations contiennent un mécanisme de contrôle chargé de permettre lappréciation des progrès accomplis dans lapplication des principes proclamés ou de signaler les insuffisances ou faiblesses dans leur mise en oeuvre. Et de tels mécanismes de contrôle existent quelquefois dans le cadre des déclarations relatives aux droits de lhomme, comme par exemple dans le cas de la Déclaration sur lélimination de toutes les formes dintolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction.
Enfin, labsence de force juridique obligatoire des déclarations et recommandations ne signifie pas quelles nont aucune portée: les déclarations et recommandations participent à la création de nouvelles règles coutumières internationales, pour autant, dune part, quelles traduisent la conviction des Etats dêtre juridiquement liés, dautre part, quelles soient suivies dune pratique générale et conforme dénuée dambiguïté. Tel est le cas, notamment, de la Déclaration universelle des droits de lhomme.
En effet, définissant " un idéal commun à atteindre par tous les peuples et par toutes les nations ", la Déclaration universelle des droits de lhomme ne comporte pas, par elle-même, valeur obligatoire en droit. Toutefois, en lincorporant dans leur Constitution, certains Etats ont par leur propre comportement accepté de la respecter. En ce sens, le caractère obligatoire de la Déclaration universelle découle moins du texte lui-même que de lengagement unilatéral de l'Etat de laccepter. Dautre part, la Déclaration universelle a été citée par dautres résolutions et actes internationaux, elle a eu depuis son adoption une résonance morale et politique considérable. Ainsi, elle est devenue à la longue un document de référence, voire une source de droit international: la Déclaration universelle inspire la politique de lONU et avec elle, celle de tous les Etats; elle est lun des textes qui ont contribué éminemment à la formation de règles coutumières fondées sur ses dispositions. Et on le sait, les coutumes internationales constituent, avec les conventions ou traités internationaux, les sources formelles principales du droit international public, droit qui comprend également le droit international des droits de lhomme.
Le droit mûr relatif aux droits de lhomme
Considérations générales
On le sait, dans le domaine des droits de lhomme, lAssemblée générale a souvent adopté sur un même sujet une recommandation, appelée parfois déclaration, et une convention quelquefois dénommée pacte. Selon la pratique de lONU, ladoption des conventions ou traités troisième étape a toujours lieu après celle des déclarations ou recommandations deuxième étape.
Pour les Nations Unies, un traité est un accord officiel entre deux ou plusieurs Etats, accord international qui, en matière de droits de lhomme, contient des dispositions visant à promouvoir ou à sauvegarder un ou plusieurs droits de lhomme. Le traité porte habituellement le titre de convention. Pour en souligner la grande importance sur le plan général, certaines conventions ont reçu la dénomination de pacte. Le texte qui modifie des dispositions dune convention ou complète cette dernière par de nouvelles clauses est généralement appelé protocole. Elaborée sur la base des principes généraux ou des normes générales proclamées dans la déclaration qui la précédée sur le même sujet, la convention, dans la troisième étape du processus délaboration des textes des Nations Unies, énonce des droits précis, fixe des limitations ou restrictions à lexercice de ces droits et précise les obligations que doivent assumer les Etats.
Procédure de conclusion des conventions
On sen souvient, les déclarations et recommandations nont pas de valeur obligatoire en droit, et sont seulement adoptées et proclamées par lAssemblée générale de lONU. Par contre, les conventions sont, elles, des textes destinés à avoir une force juridique obligatoire à légard des Etats visés dans lesdites conventions. Cest pourquoi, les conventions et les pactes sont adoptés dans une résolution de lAssemblée générale et, à la différence des déclarations et recommandations, ils sont ouverts à la signature ainsi quà la ratification ou à ladhésion des Etats, futurs membres (ou parties) de ces conventions ou pactes. La conclusion des conventions comporte ainsi plusieurs phases successives qui conduisent à lexpression définitive du consentement des Etats à être liés. Ce sont la négociation, la signature, lapprobation et la ratification, auxquelles on doit ajouter ladhésion, toutes commandant lentrée en vigueur des conventions.
La négociation des conventions se fait exactement de la même façon que celle des déclarations; on le sait, lélaboration des déclarations sest conventionnalisée. La négociation commence avec des pourparlers de groupes à groupes menés au sein de la Troisième et de la Sixième Commission de lAssemblée générale, du Groupe de travail ou du Comité spécial, quelquefois également au sein dune Conférence spéciale ou dun Congrès mondial convoqué par lAssemblée générale. Elle se prolonge par la suite au sein de lAssemblée générale, de la Conférence spéciale ou du Congrès mondial en séance plénière, où le texte est de nos jours de plus en plus discuté et voté article par article, et où de nombreux Etats individuellement ou collectivement procèdent à des explications de votes, donnant ainsi avec précision la teneur de leur position sur la règle examinée. Aussi longtemps que le texte nest pas arrêté, cest-à-dire jusqu'à ladoption de la convention, toutes ses dispositions peuvent être remises en cause, selon la technique toujours plus systématisée de compromis global (package deal en anglais), en vertu de laquelle laccord dun Etat sur un point donné est subordonné à son accord sur tous les autres.
Le texte arrêté de convention est toujours constitué du préambule et du dispositif. Le préambule contient lénumération des Etats parties ainsi que lexposé des motifs ou lobjet et le but de la convention. Le dispositif comprend tout dabord les articles, ensuite les clauses finales c'est-à-dire la procédure damendement, de révision , les modalités dentrée en vigueur, dextension, la durée de la convention, etc., enfin éventuellement les annexes à la convention qui généralement sont des dispositions techniques ou complémentaires concernant certains articles de la convention ou son ensemble.
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