Centre international de formation pour l'enseignement des droits de l'homme et de la paix
par Raimondo Dinello
Les contraintes de la pédagogie par objectifs
Conclusion: pour une pédagogie de l'expression
Les contraintes de la pédagogie par objectifs
En ce sièle de la modernité,la structure de l'éducation et de l'enseignement a consacré ce que l'on pourrait appeler la «formalisation» des contenus de la connaissance et que nous pouvons illustrer schématiquement comme suit::
Dans cette logique, le contexte d'apprentissage est prédéterminé. On s'attend à ce que l'élève s'y adapte et reproduise l'objet de la connaissance par le biais d'un processus au cours duquel l'évaluation fait office valeur-clé.
L'enseignant assume alors le savoir, le savoir-enseigner et le savoir-se-conduire puisqu'au cours de sa formation, il a reçu mission de normaliser la culture et donc, de «perpétuer» ainsi une échelle de valeurs des comportements.
La pédagogie par objectifs, qui divise et subdivise les contenus et les étapes de l'apprentissage, convient bien à la formation des techniciens -et des technocrates- , mais ne elle permet pas de préparer les personnes à une société plus juste où les droits et les possibilités de tous et de chacun seraient mieux respectés.
Le tableau qui suit permet d'illustrer par comparaison les contrastes qui opposent la pédagogie par objectifs de celle qui se fonde sur la liberté d'expression du sujet.
Tableau 1: Contrastes de choix pédagogiques:
-Subdivise les contenus formalisés dans une apparence d'universalité. | -Respect des réalités culturelles des communautés autochtones. |
-L'enfant suit et s'adapte pas à pas, il dépend d'une programmation externe. | -«Protagonisme» essentiel de celui ou de celle qui apprend, et qui dispose d'un espace de découverte. |
-Subdivise le groupe et le processus; fonctionne et sanctionne selon le principe d'homogénéité. | -Globalité de l'effort; approfondissement de l'interaction par l'application du principe d'hétérogénéité. |
La pédagogie par objectifs a soumis l'élève à la dépendance du savoir/autorité, donnant lieu à des accommodations en échange d'un diplúme ou d'un emploi qui légitimisent l'effort consenti pendant les années d'études. L'apprentissage se fait selon les convenances du marché au détriment de la joie d'apprendre et de la recherche de la vérité. Cette pédagogie se trouve ainsi dissociée de la capacité de développer ses potentialités pour devenir un être intelligent et convivial.
Cette approche conduit davantage à un apprentissage de reproduction et d'adaptation qu'à une recherche de nouvelles voies. Le principe d'homogénéité agissant, celui-ci érige en modèle la sélection du produit au détriment de la qualité de la vie; il se présente, en outre, comme un instrument de déperdition de la diversité des valeurs culturelles de nombreux groupes humains (souvent qualifiés de «minorités») qui, en fait, sont des sociétés centrées sur l'homme et son écosystème, à la différence des sociétés alignées sur la production/consommation, trait typique du modernisme.
Nouvelles propositions
Notre intention est de formuler une proposition pédagogique qui parte de celui qui apprend par l'affirmation des valeurs culturelles de la communauté à laquelle il appartient, de sa vie et, d'autre part, du fait qu'il puisse compter sur un enseignement créatif.
De cette intention, se dégage une nouvelle perspective didactique par l'initiation à des activités d'expression, l'expérimentation et la recherche d'informations et la systématisation des connaissances traitées.
Tableau 2: Nouvelle approche didactique
Champ pédagogique d'expressionRecherche | Évolution des activités |
Des objets multiples Des sons et de la musique Du théâtre Des jeux de mouvement Des légendes et du folklore Dans un esprit ludique et créatif |
Nouvelles informations et systémisation des nouvelles connaissances |
Un champ d'expression permet de construire une créativité avec de multiples objets qui représentent la réalité matérielle qui nous entoure: activités sonores, théâtrales, ludiques ou inspirées du floklore et des légendes des peuples autochtones, tout particulièrement à travers l'artisanat, le chant et la danse. Un champ d'expression peut se découper par aire que nous décrivons brièvement ci-après.
-Aire d'expression plastique et musicale: traits, tracés, marquages de toutes sortes; formes tridimensionnelles à partir d'objets multiples; création de sculptures, volumes à partir d'une masse ou de pâtes; collages, gravures diverses. En lien avec les structures logico-mathématiques.
-Aire d'expression musicale: bruitage, exploration des sons, discrimination auditive, essais de chants et d'harmonisation sonore, expériences rythmiques et expérimentation mélodieuses. Naturellement en lien avec les structures d'alphabétisation.
-Aire d'expression scénographique : déguisement, jeux de rúle, mise en scènes de contes, fantaisies, masques, animations de marionnettes, représentations scéniques. Renvoie au processus de maturation de la personne.
-Aire de jeux et mouvements dans l'espace : évolution du corps dans l'espace, courses, sauts, culbutes, jeux d'équilibre, de balancement; jeux avec objets divers et jeux de poursuites, cache-cache, parcours. En relation avec le schéma corporel et la coordination psychomotrice.
-Aire d'initiation culturelle: avec rondes et jeux traditionnels, chants et danses folkloriques, narration de contes et légendes. En lien avec l'identité personnelle et les valeurs culturelles.
Ces activités d'interactions multiples permettent l'articulation entre l'expression du sujet et l'acquisition de l'objet de la connaissance. L'apprentissage est ainsi perÙu comme la rencontre entre le sujet qui s'affirme dans sa découverte et la compréhension de l'objet de connaissance ainsi que la conduite du comportement assumée.
Cette démarche subjective et cette compréhension objectivée font de l'éducation et de l'enseignement un moyen d'intégration sociale. Ces activités d'expression représentent l'articulation tant recherchée entre le vécu intérieur et le contenu conceptuel reconnu en raison de sa valeur plus ou moins universalisée.
Conclusion: pour une pédagogie de l'expression
Ce qui précède peut être le point de départ d'une recherche de cohérence entre la méthodologie de l'enseignant et le discours des droits de la personne.
C'est parce que l'individu s'exprime verbalement, gestuellement ou corporellement qu'il lui est possible de se singulariser dans l'existence. è l'inverse, s'il n'y a pas de place dans l'enseignement pour des activités d'expression, il n'existera pas de reconnaissance du sujet, car celui-ci se trouvera dans l'obligation de se manifester par sa dépendance aux contenus des programmes.
Dans l'enseignement, nous tentons presque toujours de transmettre ce que nous sommes, ce que nous savons et nous essayons d'amener les autres à penser comme nous. Dans cet esprit, quel espace reste-t-il à la personne pour la découverte de sa propre identité et pour faire siens les savoirs acquis et les comportements appris ?
Certains aspects méthodologiques donnent lieu à l'affirmation d'identités cependant que d'autres, liés à l'objectif de normalisation, nient la valeur des différences présentées. En transformant le terrain pédagogique en un lieu de luttes de pouvoir, il en découle l'apprentissage de l'individualisme et de la compétition à outrance.
Dans une toute autre perspective, il est possible d'ouvrir un espace d'expression, de recherche et de découvertes qui facilite la systématisation des nouvelles connaissances dans la reconnaissance d'identités différentes.
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