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Pour un développement démocratique
Par Jean-Bernard Gicquel
Au vu de la crise économique et sociale actuelle et de ses effets dévastateurs au plan de la justice sociale, l'auteur plaide ici pour une vision globale du développement démocratique. |
La révolution technologique, avec l'explosion de l'informatisation et des communications, a réduit les distances et transformé le monde en un «village planétaire» au plan économique.
Le système économique des pays communistes s'étant effondré, les partisans inconditionnels des lois du marché ont pu étendre à l'échelle mondiale des politiques économiques néolibérales aux coõts sociaux et humains considérables.
Les revenus du milliard de personnes les plus aisées sont aujourd'hui soixante fois plus élevés que ceux du milliard de personnes les plus démunies, alors que ce rapport était de 30 à 1 en 1960, et l'écart entre les pays riches et les pays les moins avancés a été multiplié par 5. Le nombre d'êtres humains condamnés à vivre dans la misère totale n'a cessé d'augmenter durant cette période. A l'aube de l'An 2000, 20% de la population mondiale souffre de faim chronique, un quart est privé d'eau potable et un tiers vit dans une misère extrême.
Les rapports économiques internationaux ont pris la forme d'une guerre de plus en plus ouverte dans laquelle les gouvernements des pays les plus riches et les multinationales les plus puissantes jouent un rúle majeur et cherchent à consolider leur position dominante.
Cette compétition exacerbée s'est traduite sur le marché de l'emploi par une multiplication des exclus, notamment parmi les groupes sociaux les plus vulnérables, à commencer par ceux des pays en développement et tout particulièrement des pays moins avancés. Le continent africain, qui en a été particulièrement affecté, ne cesse de s'enfoncer dans «la crise» depuis le début des années '80.
Une justice sociale à créer
La lutte contre la dualisation de la société passe par le rééquilibrage du commerce international entre pays pauvres et pays riches, par la mise en oeuvre d'une politique équilibrée et durable de développement mondial, respectueuse des droits des générations présentes et futures à vivre dans un environnement sain, et par un effort intense et soutenu de solidarité planétaire dans tous les domaines de la vie humaine.
La promotion des droits de l'homme et de la démocratie implique la poursuite de l'objectif fondamental des forces de progrès qu'est la justice sociale.
Cela commande la mise en oeuvre de quelques mesures concrètes. Premièrement, il faut mettre sur pied de nouvelles institutions monétaires et bancaires mondiales gérées démocratiquement, en vue d'assurer la solidarité et la cohésion sociale de l'humanité. En deuxième lieu, il faut annuler la dette extérieure des pays du Tiers monde, celle des pays les moins avancés dans un premier temps. Troisièmement, la réduction des dépenses militaires de tous les pays s'impose d'urgence; les sommes dégagées devraient servir à la couverture des besoins fondamentaux des populations en matière d'éducation, de santé et de protection sociale. Enfin, il importe que des fonds publics servent à soutenir les ONG qui mènent des projets de développement humain durable, en réponse aux besoins exprimés par les communautés locales.
Cet objectif suggère par ailleurs la mise en oeuvre de politiques visant à assurer i) le respect et le développement des libertés individuelles et collectives dont, notamment, les droits syndicaux; ii) le droit à une éducation de qualité pour tous; iii) une éducation des jeunes et des adultes aux droits de l'homme et à la démocratie, et plus largement, à l'art de vivre et d'agir ensemble de manière solidaire, tant à l'échelle locale qu'aux plans nationaux et international.
Pour une vision globale du développement
A l'aube des indépendances des ex-pays coloniaux, vers la fin des années '50, la communauté internationale s'est interessée à l'avenir économique des pays du Tiers monde, avec pour but de combler le fossé entre les niveaux de vie de leurs populations et ceux des habitants des pays industrialisés.
Le terme «développement» a été alors retenu, mais en le réduisant trop étroitement à sa dimension de croissance économique. Peu à peu, l'on s'est rendu compte que cette approche quantitative passait sous silence un certain nombre d'aspects fondamentaux du développement.
On s'est par ailleurs interrogé sur la manière d'aider les bénéficiaires d'une aide à poursuivre par eux-mêmes et en pleine autonomie le développement amorcé. C'est ainsi qu'a été proposée la notion de développement endogène.
Plus récemment, la notion de développement durable a fait son apparition. Il s'agit d'un développement compatible avec la préservation d'une environnement sain, de ce patrimoine que nous avons reçu de nos ancêtres et que nous devons transmettre à nos descendants.
Le programme des Nations Unies pour le développement a ajouté la dernière pierre à l'édifice en proposant les termes de développement humain, c'est-à-dire un développement ayant pour finalité ultime d'épanouir les facultés créatrices de la personne.
Le développement humain se soucie autant des possibilités d'engendrer une croissance économique que de la répartition de cette croissance. Il englobe à la fois la satisfaction des besoins fondamentaux des individus et les aspirations humaines ainsi que les besoins permanents de la personne humaine, incluant donc ceux des générations futures. S'attacher au développement humain, c'est se donner les meilleures chances de réduire les disparités économiques et sociales entre les pays et à l'intérieur même de ceux-ci, disparités qui s'accroissent aujourd'hui sous nos yeux.
Il y a peu d'espoir, d'autre part, de réduire la pauvreté, si les conditions d'un développement solidaire ne sont pas réunies. La croissance des pays les plus pauvres ne sera assurée que par la mise en oeuvre d'une solidarité beaucoup plus grande des pays riches et par un rééquilibrage du commerce international, seuls susceptibles d'universaliser le développement humain sur des bases d'équité et de justice. La solidarité internationale devra se traduire, très rapidement, par l'inversion des flux de capital humain et financier qui vont aujourd'hui des pays pauvres vers les pays riches.
On peut affirmer également que la lutte contre les marginalisations et les exclusions n'aura de chance de réussite que si le développement est fondé sur la mise en valeur des capacités endogènes et enraciné dans l'identité et la créativité propres à chaque peuple et à chaque culture. Le développement est illusoire sans développement culturel.
Le développement humain puise également ses racines dans un certain nombre de valeurs : la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la tolérance. L'objectif du développement est étroitement lié à l'action en faveur de ces valeurs et à l'instauration d'une culture de paix. Si l'on veut extirper les causes les plus profondes des conflits que sont la misère économique, l'injustice sociale et la négation des droits culturels et humains individuels et collectifs, il faut favoriser la promotion de cette culture de paix, qui passe par l'éducation aux droits de la personne et à la démocratie, l'éducation à la résolution des conflits, et l'éducation interculturelle.
© CIFEDHOP 2008